Nous, elle et lui

Les échanges de vœux me font lire chaque année des courriels qui sans parler du contenu, me laissent parfois perplexe. C’est uniquement une question de forme, mais je me demande si l’enjeu n’est pas plus vaste. Voici.

Je parle des courriels reçus d’amis en couple. Le message commence par l’utilisation, communautaire par excellence, de la première personne du pluriel : nous. L’adresse m’a indiqué de qui il s’agissait. Je commence ma lecture, attentif et impatient des nouvelles.

Sans doute parce que nous donnons des nouvelles détaillées, nos correspondants nous répondent de la même manière. Et très souvent, au fil du message, le rédacteur ou la rédactrice abandonne le nous communautaire pour utiliser la première personne du singulier. Il ou elle ? Mystère. C’est alors un jeu de piste où tous les accords de genre sont examinés minutieusement. Arrivé à la signature sans aucun indice significatif, ça friserait presque la lettre anonyme ! Je reprends la lecture. Des détails ressortent, mais insuffisants. Mon épouse, venue à la rescousse émet une hypothèse. Heureux sommes-nous quand nous pouvons enfin mettre un prénom sur ce « je » éphémère qui laisse de nouveau la place au « nous » dans les conclusions.

Nous recevons aussi des lettres manuscrites dans lesquelles chacun des conjoints y va de sa prose personnelle qu’il signe très lisiblement. Mais l’écriture nous dit immédiatement qui écrit sans avoir à vérifier la signature. Pourquoi dans les courriels, ne pas mettre en tête de son passage personnel, son prénom suivi des deux points, comme dans les dialogues écrits. Quel confort pour les lecteurs : dès les premiers mots, on sait qui parle. De plus, les passages en nous, en je, en elle ou il, peuvent surgir et se mélanger sans poser problème.

L’échange de nouvelles fait vibrer notre fierté (les enfants ou les bonnes œuvres), nos peurs ou nos souffrances (surtout à un âge avancé), nos émotions : essentiellement des expériences personnelles. Leur partage en couple est parfois délicat entre les « tu ne peux pas comprendre » et « ne dis pas ci, ne dis pas ça », surprotections souvent nourries par des peurs inavouables. Le courriel est un espace de liberté. Alors, on se lâche…

Le courriel s’impose comme un moyen pratique de correspondance. Mais sans nous méfier, nous sommes rentrés là dans un autre monde. Nous y trouvons des positionnements empruntés qui ne sont pas du tout une référence. Par exemple, combien de messages, commencent et finissent brutalement sans formule de politesse ! Ce n’est pas parce que les courriels sont devenus la norme de la communication écrite en entreprise que nous devons en adopter les codes. Je milite pour que nous soyons vigilants à policer nos courriels.

Dans les couples modernes, chacun dispose de son propre matériel qu’il utilise pour l’envoi et la réception de ses courriels. Quand un courriel intéresse les deux, comment faire ? Je préconise pour faciliter la paix des ménages que les couples utilisent trois adresses courriels : une pour le nous, une pour elle et une pour lui. Tous les fournisseurs d’accès internet proposent plusieurs adresses par abonnement (Orange en propose 5). En utilisant astucieusement les réglages, chacun peut rester dans son univers tout en participant aux échanges communs. Plus de zones blanches dans la communication. Je l’explique en détail ici.

Les techniques modernes sont incontournables. Pour qu’elles soient à notre service, un minimum d’apprentissage est nécessaire. Le temps demandé au départ est peu de chose en comparaison d’un meilleur vivre ensemble. Osons vouloir nous perfectionner.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018