Funeste décalage

Je suis en vacances depuis une semaine, alors je vous invite à une récréation avec une histoire de fous.

Un homme pas tibulaire, mais presque comme disait Coluche, cherche ostensiblement quelque chose sur le trottoir éclairé par un réverbère. Ses lamentations attirent la sympathie. Un passant s’approche et s’enquiert du désastre. « J’ai perdu les clés de ma maison ». Le passant le rassure et s’engage dans la recherche avec le malchanceux. Mais au bout d’un moment, il apparaît nettement que sur ce trottoir remarquable de propreté, aucune clé n’attend son propriétaire. Le passant : « Vous êtes sûr de les avoir perdues ici ? » « Non, je les ai perdues dans le pré à côté, mais il est dans le noir et ici comme c’est éclairé, c’est plus facile pour chercher. »

J’aime beaucoup cette histoire. Elle nous révèle un type de décalage que nous pratiquons parfois sans nous en rendre compte et qui nous complique bien la vie, ou pour le moins, nous occupe à des actions inutiles.

Dans les niveaux logiques, en PNL(*), nous commençons en général l’analyse systémique d’une réalité par le niveau Environnement qui s’explore avec les questions et Quand. Ce niveau nous révèle ce qui nous est donné, avec ses contraintes et ses opportunités. Nous poursuivons ensuite par le niveau Comportement, qui est le niveau de l’action élémentaire et que nous explorons avec la question Quoi. Cette exploration nous révèle les actes de base qui le plus souvent se trouvent agencés dans des processus, programmes ou plannings que nous explorons au troisième niveau, les Capacités. Nous sommes dans une approche systémique, c’est à dire que l’exploration de chaque niveau se base sur les acquisitions des explorations précédentes. Quand ces acquisitions sont alignées, qu’elles se respectent réciproquement, nous disons que l’ensemble est congruent. Il donne une vision cohérente de la réalité. Sinon, il y a comme on dit, « un os ». La réalité est biaisée. Les problèmes ne sont pas loin. C’est du reste en faisant la démarche inverse que l’on trouve la solution à un problème apparemment insoluble. Tous les systémiques, Einstein en tête, ont répété que la solution d’un problème était toujours sur un niveau différent de celui qui l’avait vu naître.

Notre fou a perdu ses clés dans le pré. Mais que venait-il y faire à la nuit tombante ? L’histoire ne le dit pas, et pourtant, ce serait intéressant d’en savoir plus sur le choix de cet environnement disons surprenant. Était-il venu se soulager ? Couper de l’herbe pour ses lapins ? Très certainement, en tout cas, une action particulière pour être congruente avec cet environnement marginal. Premier acte.

Dans le deuxième acte, l’environnement a changé : c’est le trottoir éclairé. L’unité de lieu est rompue. Le problème apparaît : les clés sont introuvables. C’est le vrai problème. Car en soit, la perte des clés dans le pré, n’est pas un problème. Tout juste un événement qui mérite une réponse.

Or, ici, l’environnement initial a évolué : la nuit est tombée et le pré est rentré dans l’obscurité. À cette évolution, la première action pour s’adapter à ce nouveau donné, (deuxième niveau, comportement) aurait été de trouver une lampe torche pour éclairer le sol. Au lieu de cela, notre fou, le bien nommé, change d’environnement en choisissant un environnement disposant de cette ressource. C’est ce qu’on appelle « tordre le cou à la réalité ». Résultat : l’événement désagréable d’avoir perdu ses clés devient un véritable problème de clés introuvables.

Ce qui fait difficulté et qui échappe parfois à notre vigilance, c’est de constater que notre environnement évolue. Et surtout d’accepter cette évolution, pour, en priorité, adapter notre comportement (actions élémentaires, et plus si nécessaire : programme, planning, etc.). Comme le fou, nous préférons changer d’environnement plutôt que de chercher, d’abord, une lampe torche. On accorde à celui qui cherche une lampe torche, des qualités de souplesse, d’adaptation ou de réactivité. Ces gens-là sont efficaces et ils ont bien souvent des existences confortables par leur simplicité.

Je crois bien que toutes nos relations problématiques s’originent sur des niveaux incohérents. Et le plus souvent c’est le niveau environnement qui est malmené, comme avec notre fou. Alors qu’il serait si sage de respecter l’environnement qui nous est donné avec son évolution, pour laisser, comme dit le bon sens populaire, une place pour chaque chose et chaque chose à sa place.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

* PNL = Programmation neuro-linguistique. J’ai évoqué les niveaux logiques ici : Blague à part en réaction à la boutade de Fr. Hollande, « nous n’avons pas de candidats » au sujet de l’élection du successeur de Benoît XVI suite à sa démission.

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