L’empathie

J’ai évoqué l’empathie dans mon dernier billet sur la communication non violente, sans préciser ce que ce concept signifiait. Voilà une négligence funeste que je m’empresse de réparer aujourd’hui.

L’empathie n’est pas la sympathie. L’étymologie grecque de sympathie indique « souffrir avec » comme compassion avec son étymologie latine. La sympathie est devenue par réciprocité en quelque sorte, la qualité de quelqu’un d’agréable à vivre. Elle est proche de la gentillesse. La compassion, dans son cheminement, s’est plutôt rapprochée de la pitié : avoir de la compassion pour quelqu’un, c’est lui manifester que son état me fait souffrir. Ces déviations lexicologiques sont intéressantes à noter. Elles nous rappellent que rien n’ est figé dans le monde du vocabulaire.

Dans empathie, le préfixe est devenu en, qui signifie dans. Il s’agit donc ici de ressentir dans l’autre. Voilà une nuance qui mérite d’être précisée.

Dans l’empathie, nous nous positionnons toi et moi, chacun avec notre histoire, notre humeur, sentiments et émotions de l’instant, et notre souffrance ou notre bien-être associés. Par hypothèse, l’un de nous va bien, et l’autre moins bien et celui qui va moins bien a besoin de l’empathie de l’autre.

Physiquement, l’empathie se traduit d’abord par être présent. Nous sommes ensemble l’un à côté de l’autre, et c’est l’essentiel. Il s’agit d’être et non de faire quelque chose, que ce soit de parler, de bouger, de manifester des sentiments ou des émotions. Tout simplement être là. L’image bien connue d’un soignant en unité de soins palliatifs qui tient la main d’un patient silencieusement, traduit parfaitement la position d’empathie. Cette présence, elle n’arrive pas par hasard. Nous avons une histoire ou un bout d’histoire commune, et nous sommes là à partager un moment délicat. La flamme d’humanité qui brûle en chacun de nous, nous rassemble et nous maintient ensemble. Parce que nous sommes chacun un être humain. Pour que par nous, l’humanité vive.

Ensuite, cette présence se vivifie par une disponibilité d’esprit et de cœur. Si je veux te manifester mon empathie, je ne vais pas avoir la tête ailleurs. Je vais rester concentré sur toi et sur ce que tu vis. Concentré d’esprit et de cœur. Mes pensées, mes sentiments vont prendre leur origine en toi. Nous sommes ici au cœur de l’étymologie du mot.

Mais pour autant, je ne vais pas fusionner en toi. Tu vis ta souffrance. Elle te concerne. Tu as à répondre de son état et de son évolution. Moi, je vis avec mes propres ressentis, ma souffrance ou mon bien-être et j’ai à répondre de leur propre évolution. En bref, tu restes toi et moi, je reste moi. Et dans cette distinction, je te signifie que ton état n’est ni définitif, ni absolu car tout simplement, mon propre état est différent. Le tien peut donc évoluer. Nous sommes ici au cœur de la dynamique de l’empathie : être empathique, c’est rester soi-même dans la présence à l’autre pour qu’il y trouve espoir et possibilité d’une évolution, par lui-même, de son propre état.

L’empathie risque de dévier vers un état qu’on qualifie d’une manière imagée par « l’éponge ». L’empathique, envahi par l’état de l’autre, absorbe ses ressentis, sa souffrance, ses douleurs. N’étant plus lui-même, il ne peut plus être empathique. La relation devient fusion, début d’une confusion sans issue. Ce risque est réel. Pour y parer, il est important d’être vigilant dans la présence et de veiller à rester soi-même. Mais surtout, hors présence à l’autre, il est important de disposer de ressources qui permettent de prendre du champ par rapport au vécu : ce sera un accompagnateur, un groupe ou un lieu de paroles. Cette gymnastique sera utile ensuite, en situation, pour garder la distance quand ce sera nécessaire. Apprentissage patient…

La CNV misant sur les ressentis et les besoins qui les sous-tendent, s’appuie donc tout naturellement sur l’empathie. Au bout du compte, l’empathie permet à celui qui en bénéficie de se prendre en mains pour accepter son état ou le faire évoluer comme il le désire.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

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