Pédagogie nouvelle

Le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a installé le 10 janvier dernier un conseil scientifique, dirigé par l’éminent Stanislas Dehaene. Composé de 21 membres, dont des étrangers car les méthodes pédagogiques n’ont pas de frontières, ce conseil est chargé d’études et d’expérimentations dans les domaines de la formation des enseignants et des manuels scolaires. Avec cette initiative, nos gouvernants prennent en compte l’apport des neurosciences à la pédagogie.

Il existe dans l’Éducation nationale des organes à la dénomination plus ou moins scientifique chargés de ces questions. J’apprécie que pour une approche radicalement nouvelle, on ose en créer un supplémentaire. Car on ne fait pas du neuf avec du vieux, ou alors ça ne tient pas longtemps.

Car les neurosciences balaient de nombreux préjugés. Je note pour commencer que ces sciences du cerveau retournent complètement la relation maître-élève. Le maître-qui-sait dispensait son savoir du haut de son estrade à des élèves qui n’avaient qu’à être réceptifs. Les neurosciences nous apprennent qu’il n’y a pas d’apprentissage digne de ce nom sans appropriation de la démarche par le sujet. Non plus un élève esclave, mais un élève architecte de son propre savoir. Dans les expérience concrètes menées par des membres de ce comité, un cours en 6e appelé NRS, Nouveau regard sur soi, initie les jeunes au fonctionnement de leur cerveau en apprentissage. Le succès est total.

Il est aujourd’hui scientifiquement prouvé que la durée normale d’une attention soutenue ne peut dépasser vingt minutes. En conséquence, un cours magistral d’une heure n’a plus sa raison d’être. Les deux tiers du temps sont organisés autrement, et dans certains établissements pilotes, plusieurs classes se regroupent pour le cours magistral ramené à vingt minutes ; le reste du temps est consacré à l’apprentissage du cours, personnellement ou en petits groupes.

La mémoire se construit sur l’utilisation répétée dans des contextes variés des notions apprises. Les listes de mots, les récitations n’ont de sens que si on leur donne la possibilité de ressortir, plusieurs fois dans les jours qui suivent, dans d’autres occasions.

Les neurosciences nous apprennent que les émotions et plus généralement la vie sensible sont un facteur essentiel dans l’acquisition durable des savoirs. On n’apprend, et on ne retient ce qu’on apprend, que si un climat d’empathie est partagé entre l’enseignant et l’élève, et par les élèves entre eux. Les notes ne sont donc pas le meilleur moyen pour favoriser l’émulation.

Les erreurs peuvent être des tremplins de progrès. Par exemple, si je vous demande d’enlever 10 % à 110, quel résultat annoncez-vous, 100 (en n’ayant pas vu le « % ») ou 99 ? En fait, les neurosciences nous apprennent que ce n’est pas la constatation de l’erreur qui est formatrice, et encore moins la sanction souvent attachée. C’est l’analyse de notre perception de la question ou de notre raisonnement qui doit nous amener à en détecter les failles. L’apprentissage consiste alors à reconnaître les situations favorables à l’apparition du risque d’erreur. Ensuite, il s’agit de refuser l’erreur en mettant à sa place un autre processus de déduction, appris à la suite de cette analyse.

Je suis enthousiasmé par ces nouvelles méthodes. Je félicite les chercheurs et les enseignants qui acceptent, par hypothèse, d’envisager des comportements et des stratégies radicalement nouveaux. Dans notre univers franco-français de l’Éducation nationale, c’est une révolution. L’attitude des élèves et leurs résultats sont leurs meilleurs encouragements. Je rêve de voir ces évolutions gagner l’enseignement supérieur…

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

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