Conduire, c’est choisir

La panoplie des nouvelles mesures prises par le gouvernement pour améliorer la sécurité routière est présentée avec l’emblématique réduction de la vitesse maximum à 80 km/h sur route à double sens sans séparation. Il est vrai qu’elle a cristallisé les oppositions. Néanmoins, la rétention immédiate du permis (avec suppression de 3 points) en cas d’erreur de conduite avec le téléphone portable à la main aurait mérité d’être annoncée en première place. Je m’explique.

Le rapport de l’humain à la voiture est une longue histoire. D’un côté, la technique pousse les progrès vers la puissance, le confort et la sécurité. De l’autre côté, les gens raisonnables, souvent victimes ou proches de victimes, essaient de tempérer cette inconscience en se battant pour un meilleur vivre ensemble et, plus radicalement, pour le respect de la vie.

Avant que les vitesses ne soient limitées, on ignore ou on a oublié que les exploits se calculaient en vitesse moyenne sur longues distances. Pour dépasser les 100 km/h, des bolides souvent solitaires, sans escorte, devaient rouler 120 ou 130 km/h, traversant les petits villages sans vergogne. Il est vrai que les moteurs s’entendaient de loin. Mais quelle muflerie !

J’ai fait pendant quelques années de ma vie professionnelle plus de 90000 km par an. Je dois être presque deux fois millionnaire en kilomètres. J’ai appris à conduire avec mon père, ancien routier. Il m’avait enseigné trois risques majeurs : les gendarmes, car lorsque les gens les voient, ils font n’importe quoi. Ce n’était pas la crainte de la force publique, mais l’imprévisibilité des comportements au volant. Le risque hélas est de plus en plus d’actualité. Deuxièmement : « Méfie-toi des erreurs de conduite des autres ». Il ne s’agit plus de surprise, mais d’anomalie. Dans le style d’un clignotant mis à droite pour tourner à gauche. Tout le monde peut être distrait, même en voiture. Et enfin, troisièmement : « Méfie-toi de tes propres erreurs ! ». Ce dernier conseil m’invitait à vivre la route comme une communauté dans laquelle nous nous ressemblons par nos comportements. Cette communauté, dans la bouche d’un routier, ça roulait de source.

Les conseils paternels et mon expérience personnelle m’ont convaincu que la conduite était avant tout un choix. En acceptant de conduire, je refuse de faire autre chose en même temps. C’est mon choix. Vu sous cet angle, le téléphone au volant n’est plus un problème.

Cet exercice de la liberté m’a poussé dans ma cogitation. J’ai choisi très tôt des voitures automatiques pour leur sécurité. Depuis, elles ne cessent de s’améliorer. Bien que mes réflexes au volant soient bien ancrés, je sais qu’ils faiblissent avec l’âge, même si j’ai du mal à m’en rendre compte. J’ai donc décidé, il y a dix ans, pour mes soixante ans, de limiter ma vitesse sur autoroute à 120 km/h au lieu de 130 – symbolique ! Et de baisser de 5 km/h tous les cinq ans – plus exigeant ! Si bien qu’aujourd’hui, je me limite à 110 km/h (dans 20 ans, je verrai…) Je ne suis pas le seul à rouler à cette allure. C’est très confortable, beaucoup moins fatigant sur des longs trajets, et le portefeuille apprécie. Ce qui ne m’empêche pas, en cas de besoin, de pousser une petite pointe. D’autant plus agréable qu’elle sort de l’ordinaire.

J’apprécie que le législateur et le juge renforcent la sécurité de nos routes. Mais j’attends encore que le problème soit pris à sa racine : nous avons tous besoin d’être éduqués et rééduqués sans cesse dans notre liberté de conducteur. Ne pourrait-on pas inciter les autos-écoles à cette éducation ? Au lieu de nous bassiner avec des spots publicitaires violents sur la sécurité routière, il serait si simple de nous donner quelques leçons de liberté confirmant notre plaisir de vivre en sécurité. Pour l’alcool, ça a marché : la grande majorité des jeunes choisissent aujourd’hui, naturellement, entre boire ou conduire.

Commençons par oser des engagements personnels. Pour apprécier au moins notre liberté. Et notre plaisir de partager la route.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

2 réflexions sur « Conduire, c’est choisir »

  1. Tu pourrais faire un prochain article sur le bon usage du téléphone portable non seulement quand on conduit mais en société ,dans la rue le bus au spectacle ou à la messe et à l’aliénation à laquelle cet appareil conduit .
    Bien amicalement

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