Il est désormais avéré que Facebook a laissé pirater les comptes de certains adhérents volontaires pour participer à des enquêtes, et avec eux, ceux des leurs amis, non volontaires, eux. On a parlé de 50 millions de comptes. On parle maintenant de beaucoup plus. Qu’importe, cela ne change rien aux questions que ces pratiques nous posent.
Je suis d’une génération, et qui plus est d’un tempérament, qui apprécie la discrétion. Professionnellement, j’ai fait partie des défricheurs, ces aventuriers qui tentent des orientations dans lesquelles leurs collègues s’engouffrent quelques années plus tard. Les chemins sont ouverts. Les précurseurs s’installent, et la civilisation arrive ensuite. Point besoin de Facebook ou autres réseaux dits sociaux pour se faire connaître. L’originalité était alors une publicité puissante.
Et puis en m’intéressant d’un peu plus près à Google et Microsoft, j’ai découvert avec bien d’autres que ces GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) construisaient des dictatures sur notre dos en toute impunité. En 2011, Dropbox annonça la modification des conditions d’utilisations : les données personnelles des utilisateurs et les fichiers déposés sur son cloud appartenaient à Dropbox qui pouvait en faire ce qu’il voulait. Si un tel comportement nous choque, au pays des droits de l’homme, il faut bien comprendre que ce « dérapage » n’est que l’expression d’un consensus outre-atlantique sur une certaine idée de la liberté qui ne s’encombre guère du respect de la vie privée.
Il en faut pas être expert en marketing pour comprendre que cette attitude n’allait chercher qu’à s’exprimer dans des domaines les plus divers. Et puisqu’aux États-Unis, les élections sont affaire de gros sous, il était donc normal que nous y retrouvions tôt ou tard nos prédateurs.
Donc, en toute logique, nous avons désormais de bonnes raisons pour mettre fin à nos enchaînements à ces réseaux qui nous manipulent. Et ceux qui sont sensibles à cette logique doivent agir en conséquence en fermant leurs comptes. On peut vivre sans réseau dit social.
Mais le problème, c’est qu’avec les réseaux dits sociaux, nous ne sommes plus dans le domaine de la logique. Le besoin de se faire valoir, et plus simplement le sentiment d’exister en parlant à tout le monde de soi et tant qu’à faire de son intimité, ce besoin est tyrannique au-delà de toute logique. Et ces gens accros des réseaux ne se préoccupent pas du tout du sort de leurs informations. Le problème se pose donc à deux niveaux. Facebook et consorts ne sont que des moyens. Ne permettons plus à ces moyens de vivre. Commençons par fermer nos comptes : ce sera un premier pas.
Plus profondément, comment transformer ce désir d’originalité qui pousse au voyeurisme pour se donner l’impression de vivre ? Je suggère une réponse : en s’engageant personnellement dans des œuvres communes, où chacun est pris comme il est pour ce qu’il est, sans chercher à le changer. Une œuvre commune , c’est une activité partagée avec un objectif commun. Comme dans l’écologie et la solidarité, qui ne sont que deux facettes du sauvetage de la maison commune. En s’engageant personnellement, mais aussi en faisant œuvre pédagogique. Apprendre à chercher les bonnes nouvelles au-delà de son nombril, donner le goût de rejoindre des initiatives altruistes. Le champ est vaste ! Sachons faire des propositions, souvent et variées. Inspirons-nous de certaines revues comme Pèlerin qui se caractérise comme un annonceur de bonnes nouvelles.
Notre liberté, celle de nos enfants et de nos petits-enfants est en jeu. Cela mérite bien vigilance, obstination et créativité.
© Daniel Dubois. Amplepuis, 2018