Antisémitisme

Le Parisien a publié dimanche dernier 15 avril 2018, un manifeste contre le nouvel antisémitisme en France, rédigé par Philippe Val, l’ancien directeur de Charlie-Hebdo, et signé par plus de 250 personnalités, dont Nicolas Sarcozy, Manuel Vals, Jean-Pierre Raffarin, Mgr Joseph Doré.

J’ai lu ce manifeste. Dominique Greiner, Rédacteur en chef (questions religieuses) à La Croix l’a commenté dans son éditorial du 25 avril, Commencer par le respect. Ce même journal a interviewé l’islamologue et historien Rachid Benzine : L’urgence est de faire une lecture critique du Coran. Un article de ce dossier De « l’enseignement du mépris » au dialogue avec les juifs retrace l’évolution des relations judéo-chrétiennes.

La Croix fournit aussi un lexique instructif. Être précis dans les termes qu’on utilise favorise la compréhension, tout en exprimant le respect que l’on porte à ses interlocuteurs. Ainsi, l’antisémitisme exprime le racisme contre les Juifs, un peuple marqué par son histoire religieuse, affirmant sa relation privilégiée avec Dieu créateur dans une alliance : promesse d’une terre et d’une descendance innombrable en échange du respect de la Loi divine.

L’antijudaïsme (païen à l’origine) est l’attitude que les chrétiens ont eu envers les juifs (jusqu’à environ le concile Vatican II pour les catholiques), caractérisée par un rejet méprisant, les considérant comme déicides, responsables de la mort de Jésus, et dépossédés de la promesse, l’Église se substituant à eux dans cette promesse. La constitution Nostra Ætate, (une constitution est un texte majeur du concile adopté par l’assemblée des évêques et ratifié par le pape), évoque la religion musulmane au ch. 3, et la religion juive au chapitre 4. Ces quelques lignes ont acté une révolution qui avait commencé avec Jean XXIII et que Jean-Paul II mettra ensuite concrètement en œuvre avec sa visite à la synagogue de Rome en avril 1986 en rencontrant son ami le rabbin Elio Toaf. Il affirma à cette occasion les juifs étaient les frères aînés des chrétiens.

Enfin, l’antisionisme est l’opposition politique au foyer national juif implanté en Palestine, et depuis à l’état d’Israël. L’interdépendance de ces trois attitudes ne favorise pas leur solution.

Je suis choqué, dans ce manifeste, par l’expression « nous demandons que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques ». Sur la forme, d’abord. Il est plus facile de dire aux autres ce qu’ils doivent faire pour transformer des situations difficiles plutôt que de se mettre en cause soi-même. Commençons par reconnaître, comme le dit D. Greiner, la violence présente en chacun de nous et travaillons, ensemble certes, à la maîtriser avant de donner des conseils ou des ordres.

Sur le fond, maintenant, un tel texte fait l’impasse sur une donnée essentielle : si l’Église catholique a pu renouveler sa lecture de la Bible, adoptant non sans mal une analyse historico-critique devenue banale aujourd’hui, c’est grâce à sa hiérarchie facilitant des décisions courageuses. Hiérarchie inexistante dans l’Islam sunnite. De plus, il nous a fallu presque vingt siècles pour aborder une nouvelle lecture de nos livres saints… Nos amis musulmans ont certainement à inventer une démarche propre pour adopter cette nécessaire analyse historico-critique.

Pour ce qui me concerne, ce manifeste m’interpelle sur ma façon de respecter le passé. Des textes, comme le Coran ou la Bible, ont été écrits par des hommes sous une inspiration divine. Mais ces hommes vivaient dans un lieu et un temps précis, c’est-à-dire avec des mentalités et une culture ne ressemblant pas du tout aux nôtres. Les problématiques sont totalement différentes. Il importe donc de retrouver, par l’analyse historico-critique, le sens initial pour essayer de comprendre le sens actuel que tel ou tel passage peut avoir.

Exercice délicat. Mais « Commencer par le respect » des temps et des lieux, me semble un préalable incontournable pour pouvoir respecter les autres.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

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