Arrêtés municipaux

Le maire de Challans (Vendée) a pris le 14 février dernier, un arrêté municipal obligeant le soleil à se présenter tous les matins sur son ressort et même sur tout le département de Vendée, et la pluie à ne tomber que trois nuits par semaine, juste ce qu’il faut pour entretenir les nappes phréatiques. Le conseil municipal, exaspéré par les caprices de la météo, avait suggéré cette formalité. Le maire, bon vivant et soucieux du bien-être de ses administrés l’a fait mettre en forme et l’a signé. On attend avec impatience la réaction de la préfecture.

Le 25 octobre 1954, le maire de Châteauneuf-du-Pape avait pris un arrêté qui avait surpris. Il interdisait le survol de la commune, l’atterrissage ou le décollage aux soucoupes volantes et autres cigares volants de n’importe quelle nationalité, enjoignant le garde champêtre à mettre en fourrière les contrevenants. À l’époque, cette loufoquerie avait été salué comme un coup de pub génial pour les vins de la commune qui en avaient bien besoin.

Il existe plus de 35000 communes en France. Ce nombre important traduit le maillage serré de notre territoire. J’ai connu des petites communes rurales. La campagne pour les élections se faisait dans les bistrots et l’orateur ou l’oratrice parlait debout sur une table. Lors des conseils municipaux, tous les présents donnaient leur avis. J’ai connu des communes plus importantes, emportées par des mouvements de concentration inévitables. Dans ces intercommunalités, le relationnel de base a été malheureusement remplacé par des discours technologiques ou les enquêtes publiques. J’ai connu Décines et l’épopée du stade de l’OL, dit des Lumières et devenu pour un temps Groupama stadium, puis le rattachement à la métropole de Lyon. Et je vis maintenant dans une commune rurale, mi-agricole, mi-industrielle (moins de 5000 habitants). Terre de traditions où tout le monde se connaît depuis l’école primaire. Mais terre de mutations aussi, à moins d’une heure de Lyon par le train.

Les arrêtés de Challans et de Châteauneuf-du-Pape traduisent le plaisir de vivre des édiles en écho à celui de leurs administrés. Les réalités de la vie ne sont pas toujours aussi sympathiques. Une petite commune du Puy de Dôme (Olloix, 300 habitants) a failli se retrouver en faillite suite à l’agression d’un de ses agents pendant son service. Elle a dû rembourser les frais engagés pour son rétablissement, un montant correspondant à son budget annuel (Ce cas, hélas, n’est pas isolé). Du Conseil départemental à l’association des maires du département, le maire a bénéficié d’un élan de solidarité exceptionnel. Là encore, le principe de proximité a joué à fond.

Il est dommage que le même cadre institutionnel s’applique à des réalités très différentes. Autant les métropoles s’imposent par la simplification administrative qu’elles entraînent, en particulier à Lyon avec l’intégration des services départementaux, autant un statut spécifique semblerait nécessaire pour les petites communes. Elles font partie de communautés pour faire face à des logistiques lourdes (enseignement, santé, eau, transports, ordures ménagères, etc.). Le principe de subsidiarité mériterait d’être précisé jusqu’au niveau des administrés. Personnellement, je serais favorable à un engagement bénévole citoyen. Se souvient-on que dans l’empire romain, les corvées étaient obligatoires, comme les impôts qu’elles remplaçaient souvent ? Chacun devait rendre un service collectif en fonction de ses capacités. Cet engagement est fréquent dans les associations, grosses consommatrices d’huile de coude. Il gagnerait à prendre une dimension citoyenne. Car dans les petites communes, le nerf de la guerre n’est pas principalement financier, il est avant tout humain.

À défaut de faire la pluie ou le beau temps, soyons attentifs à préserver cet engagement humain et à le développer.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

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