Attentes

Les facéties de ma santé m’ont amené ces derniers temps à pratiquer des examens pour lesquels ma patience fut mise à l’épreuve. De plus, ayant choisi de vivre dans ce qu’on appelle pudiquement un désert médical, ces temps d’attente ont été enjolivés si je puis dire par des temps de transport d’une heure avant et d’une heure après. De quoi penser sur l’attente ou les attentes.

Je précise que l’attente dont je parle aujourd’hui n’est pas celle que l’on pourrait appeler espérance, aspiration ou espoir, bien que les résultats gravitent dans ces sphères. Non, je parle de ce temps qui passe entre un moment initial, normalement déclencheur d’un processus simple, et la survenue de ce processus.

Par exemple, j’arrive à un rendez-vous. Parfois, il me faut prendre un ticket et attendre qu’on appelle mon numéro. Première attente. Dans le meilleur des cas, mon dossier est ouvert quand je me présente à l’accueil. « Accueil » : j’ai pris conscience que toutes mes attentes ont été associées à un accueil, le mot pouvant désigner un lieu (une banque) ou un service (la personne derrière la banque).

Ensuite, après un temps variable qui dépend de nombreux facteurs, je suis admis à l’examen. Par exemple, j’ai subi une heure d’attente du fait d’une panne informatique. Imprévisible.

Pour de nombreux examens, une préparation est nécessaire. Ainsi, le TEP-Scan, scanner avec scintigraphie, nécessite la prise d’un produit par intraveineuse une heure avant l’examen « le temps que le produit se diffuse dans tout le corps ». On vous a prévenu. Vous pouvez apporter de la lecture. Mais une heure, seul dans une cabine aux murs nus, c’est long. Le scanner ne durant qu’une vingtaine de minutes, vous êtes plusieurs dans le même cas. Le produit met les prostatiques en effervescence. Mais cette animation n’est pas particulièrement euphorisante.

Pendant l’examen, il peut y avoir des longueurs. La douleur est rare. Les indispositions, nombreuses. Une endoscopie avec introduction nasale n’est pas agréable, ni lors de l’anesthésie locale, ni lors de l’introduction ou des manipulations de la sonde par le chirurgien. Impatience que ça se termine rapidement.

Après l’examen, nouvelles attentes. Pour rencontrer le médecin et ensuite pour avoir son compte-rendu. Lors de mon dernier examen, j’ai attendu le compte-rendu une heure. Le médecin m’avait rassuré rapidement, mais j’ai trouvé cette attente bien longue et inutile, conséquence d’une mauvaise organisation.

Je me suis souvenu qu’en ayant découvert le monde de l’industrie sur le tard, j’avais été particulièrement intéressé par la gestion des temps masqués. En clair, et pour faire simple, il s’agit d’organiser les processus pour que plusieurs choses se fassent en même temps. L’objectif est de supprimer des temps d’attente. Et par suite d’accélérer les délais de fabrication. Les services médicaux spécialisés sont loin de se poser ce genre de question.

Reste alors notre manière de vivre ces temps d’attente. Certains s’ennuient. Dans sa dernière édition, l’Académie française donne trois acceptions à ennui : 1. Désespoir, 2. Langueur ou lassitude, et 3. Contrariété ou souci. Quand un pronostic vital peut être engagé, quand l’éventualité de traitements lourds peut se présenter, l’attente peut porter au désespoir. Que l’on vit seul au milieu des autres qui attendent comme soi. Les services d’accueil nient ce type d’ennui ; ils présupposent plutôt la lassitude ou la contrariété. Quelques revues, anciennes, people de préférence, sans aucun intérêt, sont sensées y porter remède. D’autres font un usage stupéfiant de leur portable : divertissement, dirait Pascal.

Je me suis essayé à la méditation en pleine conscience. Difficile, car il faut bien rester attentif à ceux qui sont autour de soi. Mais salutaire. Tout le contraire de l’ennui, de la contrariété ou du désœuvrement sans intérêt. Et efficace. La pendule tourne plus vite.

Il me semble qu’il en est de nos attentes comme de nos activités les plus captivantes. Notre présence à l’instant et à ce qui l’habite nous rend libre par rapport au temps qui passe.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

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