Tout neuf

Je ne suis pas un fanatique du débat politique. J’apprécie mon pays pour ses habitants, ses industries, ses paysages et aussi pour sa constitution. Je crois qu’on a les dirigeants qu’on mérite. Je vote. Ensuite, je laisse aux élus le soin de faire leur travail.

Mais l’arrivée de Macron au pouvoir a fait bouger les lignes. Et c’est un euphémisme.

Personnellement, lecteur laborieux de Ricœur, j’apprécie le côté philosophe de notre président. Comme disait Ricœur du témoignage, il « donne à penser ». Ça nous change des starlettes politiciennes précédentes. Son discours est mal reçu : « fumeux », « creux », « emphatique », j’en passe et des meilleures. Ce n’est pas le premier philosophe à qui ce sort est réservé. Le grand Socrate, le père de notre philosophie occidentale, en est mort, par fidélité à ses principes et par respect pour les lois de son pays.

Dans mes médias préférés, les extraits de ses paroles sont moins fournis que les commentaires. C’est tout dire. Je m’interroge : en dehors de ceux qui les écoutent, qui prend le temps de lire ses discours fleuves comme le dernier à l’université de Ouagadougou ? (plus de 25 pages !). D’autant plus que celui-ci fut suivi de questions-réponses dans un amphi dynamisé. Néanmoins, la France parle. On l’écoute. On discute avec elle. Des relations nouvelles se créent, et c’est cela, me semble-t-il l’important.

Ce président agace. Je le note avec tristesse même dans des médias réputés pour leur sens de l’analyse. On n’est pas franchement contre, ni franchement pour. Je me suis amusé à calculer la proportion d’appréciations positives par rapport aux négatives. En surface de colonnes imprimées, sur deux mois environ, j’arrive à un ratio de 1 à 3. Comme si les commentateurs, déboussolés, ne savaient pas quoi dire en dehors de leurs craintes ou de leurs troubles.

Cet homme agace parce qu’il est efficace. Il l’a prouvé, magistralement, par son élection. Que dire d’un homme efficace ? Il nous renvoie à nos responsabilités, sans temps à perdre. Il prend le temps d’écouter, d’analyser et d’étudier. Mais ces comportements, surtout en politique, sont par nature discrets. Les journaux n’en parlent pas ou très peu. Ils se rattrapent quand viennent les décisions. On est pour, on est contre. On conteste les principes appliqués, ce qui est mis en premier, ce qui commande. Mais comment contester honnêtement un principe qui a fait ses classes dans l’efficacité ?

Reste le débat sur les valeurs. Que je sache, nous sommes dans un pays où non seulement il est possible d’affirmer haut et clair des positions différentes de celles de nos dirigeants, mais désormais, il semblerait que le respect prévaut sur les passages en force. Je crains seulement que les pas-d’accord avec certaines options éthiques par exemple, jouent la confusion ou la généralisation. Face à un homme efficace, ça ne tient pas, il vaudrait mieux se taire ou faire preuve d’une exigence plus pure.

Mon sentiment : le blé à moudre habituel des journalistes a disparu. Alors on meuble. Difficilement, laborieusement.

J’apprécie surtout l’ambiance. Et pas seulement celle du grand matin qui s’est levé. L’espoir de tous ces entrepreneurs qui nous permettent d’avoir un emploi, de toucher notre salaire ou notre retraite, d’échanger avec nos voisins étrangers, de tisser une humanité laborieuse. L’espoir de tous ceux qui prennent leurs responsabilités, souvent bénévoles comme les élus des petites communautés de la France profonde, et qui enfin, dans les faits, sont considérés pour leur efficacité. Car l’exemple vient d’en haut. Et Macron l’a dit au soir de son élection : il n’est pas efficace pour être efficace, il veut servir son pays « avec amour ».

« L’amour, ha ! » comme faisait dire Charles Schulz à son chien Snoopy couché sur sa niche. Mais allez prouver le contraire…

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2017

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