Teilhard de Chardin

Je viens de relire Le Phénomène humain (1948) du Père Pierre Teilhard de Chardin. J’avais découvert ce livre à 18 ans au début de mes premières études de philosophie. J’avais été emporté par la puissance unificatrice de cette vision. Je lui dois beaucoup dans ma construction personnelle et mon évolution spirituelle.

L’homme, aussi, est attachant. Je connaissais bien sa maison natale, à Sarcenat, sur le commune d’Orcines où j’ai vécu une bonne quinzaine d’années. Quand nous revenions gamins, de nos virées dans les Dômes, notre coursière préférée passait près de la gentilhommière où il est né le 1er mai 1881. Il a parcouru ces espaces grandioses couverts de genêts, ces sous-bois de noisetiers au milieu des cheires, et ces forêts majestueuses de hêtres et de sapins. C’est dans ces espaces volcaniques si particuliers qu’il eut sa première expérience mystique en découvrant que le fer rouillait. Tout un monde de fixité, de solidité se brisait. Les volcans tout près invitaient cependant à contempler un devenir toujours possible, y compris dans les entrailles de la terre. Une espérance alimentée à la mystique maternelle qui lui fera découvrir le feu divin du Sacré cœur.

Il n’aura de quête, de voyages en voyages, d’exils en exils, de transposer cette double intuition d’enfance à ses grandes recherches de géologue et de paléo-anthropologue. Le Phénomène humain en est la synthèse. Quel courage, dans cet ouvrage qui se veut et qui n’est que phénoménologique, d’affirmer qu’Adam fut une foule, à une époque où l’Église défendait comme elle pouvait le péché originel par le monogénisme (un seul couple à l’origine de la race humaine). Teilhard s’est plié à la raison scientifique, attendant que le dogme évolue.

Je pense à lui particulièrement aux jours de Pâques. Il a prié toute sa vie pour que sa mort soit signe. Un exemple, parmi d’autres de son dénuement, vertu portée par sa spiritualité jésuite. Il est mort le jour de Pâques à New York, le 10 avril 1955. Quel signe que de rejoindre son Seigneur, le point Oméga entrevu dans le Phénomène humain, le jour de sa manifestation glorieuse, le jour où l’humanité rejoint la divinité du Père.

Il y a plus encore. Je suis convaincu que dans son histoire personnelle, chacun est appelé à vivre l’histoire de l’humanité. En particulier, dans sa vie chrétienne, chacun revit les grandes étapes de la révélation, de la sortie d’Égypte (baptême) à la Résurrection. On dit que l’embryogenèse (le développement de l’embryon) rejoue la phylogenèse (le développement de l’espèce) ; ça continue pendant l’existence. Teilhard m’a fait comprendre tout jeune que mon existence serait une évolution permanente vers plus de complexité-conscience. Par exemple, jeune parent, captivé par mon métier, j’ai délaissé par la force des choses la vie méditative qui était la mienne quand j’étais célibataire bien organisé avec mes rituels. La vitalité qui m’entourait et dont j’étais en quelque sorte la source par mes choix, rejoignait alors cette énergie radiale qui porte l’évolution du monde et de l’humanité vers son terme. Plus tard, les épreuves et les échecs m’ont plongé dans cette énergie tangentielle sur laquelle s’appuie l’énergie radiale pour s’élever, comme les arbres d’une forêt sur l’humus des feuilles mortes. Dans cette double dynamique, mes réussites et mes échecs prenaient place dans plus grand que moi. Par eux, j’existais. Par eux, l’évolution traçait son chemin. L’hyper-personnalisation du point Oméga n’est donc pas un vain mot pour moi.

Il me faudrait parler aussi de l’impact du Milieu Divin et de La messe sur le monde sur ma vie spirituelle. La pensée de Teilhard nous permet de tout relier, le matériel et le spirituel, le personnel et l’universel, au-delà des contraintes de temps et d’espace. Une autre fois, sans doute.

Merci Père Pierre pour votre contribution essentielle à notre compréhension du monde et de nos vies dans leur devenir.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018

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