Route du Rhum et compagnie

À l’occasion de la Route du rhum, ma fille et son mari, bretons d’adoption et passionnés de voyages par ailleurs, ont initié leurs trois filles 3 ans, 7 ans et 9 ans à la course hauturière. Bien sûr, ils ont fait partie de ces milliers de visiteurs, dans les jours précédant le départ, venus voir ces Ultime, Imola, Multi 50 ou Class 40 et autres Rhum, amarrés aux quais de St Malo.

Depuis le départ, un nouveau rituel s’est instauré dans la famille. Chacun a choisi son poulain par catégorie. Et matin et soir, on consulte sur la tablette l’excellent site de la course avec les résultats en direct, y compris la place des bateaux (routedurhum.com/fr/). Impressionnant ! J’imagine les émotions et ensuite les commentaires dans les cours de récréation ou à la crèche ! Il y a de la graine de skipper dans cette famille !

Le site donne tous les renseignements nécessaires aux pronostics : distance restant à parcourir, écart des suivants par rapport au premier de la classe, vitesse moyenne dans l’heure, les trois ou les 24 dernières heures. Même la vitesse et l’orientation du vent. De quoi servir de base à des exercices arithmétiques élémentaires, au moins pour les deux aînées. Des estimations qu’on peut adapter à la classe de chaque bateau, ce qui est une excellente école pour apprendre à faire face aux contingences.

J’aime particulièrement les sports de glisse associés à des performances d’endurance solitaire. D’autant plus que dans le cas présent, toute une équipe technique est derrière, on l’a vu lors des avaries. Quelques esprits chagrins avancent le coût exorbitant de ces aventures pour les dénigrer. C’est oublier un peu vite deux choses importantes : on ne fait rien dans notre monde d’échanges sans argent et deuxièmement, il y a ici pour certains riches l’occasion de participer à l’aventure. Car la fraternité qui associe sponsors, ingénieur et marins de haut vol n’est pas un vain mot. Comme du reste, celle qui associe les concurrents dont certains aiment à se retrouver pour partager leur souper la veille du départ.

J’apprécie aussi qu’internet soit de la partie. Il y a bien les vétérans du matériel qui continuent à faire le point au sextant et sans informatique embarquée ou presque. Que ce soit pour surveiller ses concurrents, consulter les prévisions météo en temps réel ou tout simplement échanger avec l’équipe ou ses proches par vidéo interposée.

Mais ce qui fascine le plus, me semble-t-il, et assure le succès de cette course tous les quatre ans, c’est le mélange des technologies marines, des âges du capitaine, des connexions internet, des moyens financiers. Les organisateurs ont eu l’astuce de classer les concurrents par catégories pour donner sa chance à chacun, tout en faisant partir ce beau monde en même temps. Quel spectacle en effet dans la baie de St Malo, et ensuite au Cap Fréhel !

Nous vivons, plus ou moins, dans nos quartiers ou nos villages ce genre d’aventures aux participants bigarrés. Chez moi, c’est la fête des classes autour de mai. Ça commence par les 10 ans dans l’année et ça se termine par les centenaires. Chaque classe participe au cortège, avec pour la plupart, son char et sa fanfare. Cette préparation nécessite un très gros travail, comme comme pour un bateau de route du rhum. Occasion aussi de resserrer les liens en construisant une tour ensemble. Les jeunes ont autant de succès que les anciens. Les classards paient le restaurant à leurs proches qui se mettent pour l’occasion sur leur 31. Le village a donc un air de noces. Les festivités durent trois jours et certains jeunes prennent une semaine de congé pour l’occasion.

Que ce soit la fête des classes sur mon plancher des vaches (c’est le cas de le dire) ou pour la route du rhum, ces manifestations nous font du bien par les dynamiques relationnelles et l’engagement personnel des participants. Qu’elles puissent durer encore longtemps !

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2018