Espoir et espérance

Discussion l’autre jour, avec ma petite fille. Elle :

– Il n’y a plus d’espoir.

– Reste-t-il l’espérance ?

La discussion passionnante qui a suivi, inspire ce billet.

L’Académie, dans son dictionnaire évoque pour espoir, un fait, un mouvement, et par suite, une personne incarnant cet espoir. Le mot est directement associé à « espérer ». Pour espérance, il s’agit d’un sentiment qui porte à attendre avec confiance ; il peut s’agir d’un bien ou d’un objet, ou la personne l’incarnant.

Vincent Lenhardt, qui a introduit le « coaching » en France dans les années 1980, a théorisé une de ses missions d’accompagnement stratégique dans un livre : Engagements, espoirs et rêves. (Village mondial, 1999). Les engagements sont les résultats attendus en vertu des décisions déjà prises et mises en application. Les espoirs dépassent les engagements en ce sens qu’ils nécessitent deux choses : que le contexte actuel se maintienne (marché, outils, engagement des acteurs), et qu’un élément au moins dans ce contexte croisse d’une manière inattendue, improbable, mais pas impossible. Face à cette opportunité, les acteurs motivés par cet espoir vont répondre par un plus grand engagement. Les rêves s’appuient sur un contexte favorable improbable, où la plupart des composantes sont extraordinaires.

Comme dans l’approche du dictionnaire, l’espoir reste ici du domaine factuel avec une issue favorable, loin apparemment du désir qui s’exprime sur le plan psychique ou spirituel.

La définition que le dictionnaire donne de l’espérance la fait ressembler, dans mes schémas, à une émotion : une réaction affective qui met en mouvement ou paralyse ; comme la surprise, la peur ou la joie. Sauf que le mouvement s’arrête car il s’agit « d’attendre ». Voilà le paradoxe.

Alors n’en déplaise à nos Immortels, je préfère voir dans l’espérance, une vertu. C’est-à-dire est une disposition animée par la volonté, qui s’entretient par l’exercice et la remise en question. On ne naît pas vertueux, on le devient ; par éducation, par entraînement, par intelligence et par persévérance.

Cette disposition vise un bien. En l’occurrence, ce bien est un meilleur. Dit simplement, l’espérance pourrait être ce qu’on appelle en éducation, le regard positif : voir le verre à moitié plein, en attendant qu’il se remplisse encore un peu plus. Ce qui tôt ou tard va m’obliger d’une manière ou d’une autre à le remplir. L’espérance serait alors ce mouvement qui me pousse à attendre le meilleur, tout en contribuant à ce qu’il advienne. Les chrétiens y voient une disposition divine : en créant, Dieu s’est retiré de sa création, laissant l’Homme la prendre en charge pour l’amener à son terme. Pour cet objectif, l’Homme partage la même espérance que Dieu. Une espérance divine, donc. Péguy l’a magnifiquement chantée (Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance).

Dans l’espoir, je suis déconnecté de l’objet qui vit sa vie ; dans l’espérance, j’y suis associé, invité à peser sur l’évolution de sa manifestation.

Espoir et Espérance sont deux mots qui suivent, actuellement dans notre langue française, chacun leur chemin. J’ai bon espoir que cette distinction qui repose sur des perspectives différentes, perdure. Ce billet en exprime mon espérance.

© Daniel Dubois.  Amplepuis, 2017

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